La préparation physique intégrée, passeport pour la réussite ?

Christophe FRANCK - 2019-09-07

C’est en forgeant qu’on devient forgeron. C’est vrai ! Sur le plan technique, il n’y a aucun doute. En revanche, pour optimiser les qualités physiques permettant un meilleur forgeage, le fait de taper sur l’enclume avec le marteau n’est peut-être pas suffisant. Dans le domaine de l’entrainement sportif, le parallèle est identique : il faut pratiquer sa discipline pour acquérir le geste juste. Mais cette pratique exclusive, même orientée vers des efforts physiques ciblés, est-elle suffisante pour développer toutes les qualités physiques déterminantes à la discipline ?

Le 21 septembre 2019, l’équipe de France de rugby jouera son premier match de coupe du Monde 2019 contre l’Argentine. Le moins que l’on puisse dire, c’est que l’étoile du rugby français a pali depuis quelques années. Pas assez rapides et techniques sur la durée des matchs, les joueurs enchainent les défaites contre toutes les grandes nations de l’ovalie. La solution prise par le nouveau staff pour résoudre cette déficience de résultats est de se préparer, techniquement, tactiquement et physiquement en « jouant au rugby », toujours et encore, pendant toute la période de de préparation. Proposée par le préparateur physique Thibault Giroud, cette forme de travail, basée sur la pratique de la discipline, est évidemment bien acceptée par les sportifs, plus enclins à pratiquer leur activité plutôt que d’enchainer des courses ou soulever de la fonte. La préparation est malgré tout très lourde, avec des séances « comme jamais ils n’en ont connu », peut-on lire à travers le témoignage de plusieurs joueurs de l’équipe de France.

Le jeu intégré à la préparation physique

Une méthode qui est basée sur le jeu intégré dans la préparation physique, avec des exercices totalement spécifiques au rugby et visant le développement des qualités cardiovasculaires sans perte de qualité du geste technique*. Un catalogue d’exercices spécifiques (nombre de joueurs, taille du terrain, règle, etc.) permet de déterminer la charge ciblée. De nombreux clubs de football professionnels procèdent ainsi. Le suivi individuel est possible grâce au système GPS embarqué sur les joueurs. A la fin de la séance, le préparateur physique est en mesure de connaitre le nombre de courses, d’accélérations, la distance parcourue, etc.

* La musculation est réalisée dans des séances séparées

La méthode dissociée

A cette méthode, s’oppose une forme plus traditionnelle utilisant des sprints, des courses et du renforcement musculaire sans ballon. Une préparation que l’on peut nommer « préparation athlétique », individualisée elle aussi grâce aux GPS. Les séances sont dissociées : préparation physique pour les unes, préparation technico-tactique pour les autres. C’est sous cette forme que le préparateur physique du Paris Saint Germain, catalogué comme « vieille école », l’Allemand Rainer Schrey propose ses séances.  L’une des raisons est que les sollicitations cardiovasculaires égales ou supérieures au VO2 max par exemple sont moindres par le jeu intégré que par des courses intermittentes.

Alors préparation physique intégrée ou dissociée ?

Grâce aux systèmes, comme les GPS, il est donc possible de quantifier les charges d’entrainement. Mais ces outils relativement onéreux sont réservés aux clubs professionnels. Également, il faut prendre le temps d’analyser les résultats des charges après les séances pour paramétrer l’état de fatigue de chaque joueur et individualiser son entrainement. Ce n’est donc pas toujours réalisable pour des entraineurs de clubs plus modestes. De plus, tous les sports ne se prêtent pas à l’utilisation du GPS. En sports de combat par exemple, il faut plutôt un système avec des capteurs placés dans les gants. Cela existe, avec des systèmes reliés au smartphone calculant le nombre de coups délivrés, les accélérations, les angles, etc. Couplé à un cardiofréquencemètre, le système peut permettre de calibrer la charge physique d’une séance. En revanche pour les disciplines utilisant les jambes, cela devient plus complexe. Et comme pour les GPS, le prix est rédhibitoire…

Le pifomètre n’est pas un bon outil

Sans outil embarqué de suivi, la solution de la pratique de l’activité pour développer les qualités physiques va entrainer des erreurs. L’entraineur (ou le préparateur physique) ne peut qu’estimer subjectivement le niveau de la charge. Et souvent, le sportif a tendance involontairement (ou pas) à s’économiser ou à surjouer, rendant la charge différente de celle que le technicien l’envisage.   

La préparation physique répond à une démarche méthodologique permettant de couvrir l’ensemble des développements nécessaires à un sportif. Envisagée sous la forme athlétique, elle permet de calibrer plus aisément les exercices : intensités de travail et de repos, temps passé dans chaque zone d’effort, groupes musculaires sollicités, etc. Si pour des pratiquants débutants, le seul fait de pratiquer l’activité permet de développer les capacités physiques, ce n’est pas forcément vrai pour des experts de la discipline. Ils utilisent leurs qualités physiques mais ne les développent pas, comme le dit Frédéric Aubert (Insep).

Finalement, à chacun sa préparation adaptée

Pour répondre à la question initiale qui était de savoir si la préparation physique intégrée était la solution miracle pour tous les sportifs, la réponse est évidemment non !

La préparation physique d’un athlète peut prendre plusieurs organisations (Frédéric Aubert, Insep) : intégrée ou dissociée. Les exercices physiques et techniques peuvent également s’alterner dans la séance pour obtenir une préparation dite associée. Chaque organisation à ses avantages et inconvénients : facilité de calibrage des exercices, sollicitations énergétiques visées, transfert vers un geste spécifique, niveau de pratique, âge et disponibilité des sportifs ainsi que des infrastructures, etc.

En revanche et quelque soit l’organisation choisie, le préparateur physique doit se poser la question du niveau de spécificité des exercices mis en place. Et ça, je vous en parle dans un prochain article !